La réponse a été mise à jour le 17 November 2023.
Bonjour,
Nous vous remercions d'avoir fait appel au service Interroge, voici le résultat de nos recherches :
Vous pouvez prendre connaissance de la situation des religions catholique et protestante à Genève au 19ᵉ siècle en consultant le volume 5 de l’Encyclopédie de Genève : Les religions. Il existe également une version en ligne de cette encyclopédie.
Dans le chapitre Un dur chemin vers la tolérance vous trouverez l’article de Jacques Courvoisier Le Réveil du protestantisme au XIXe siècle ainsi que l’article d’Olivier Fatio L’Eglise catholique de Genève au XIXe siècle où il y est fait mention de « conflits confessionnels » qui s’apaisent dès 1878 :
« À partir de 1878, les conflits confessionnels s'apaisèrent progressivement. Cette année-là, les législateurs de 1873 perdirent la majorité. Ils revinrent au pouvoir en 1880, mais ils avaient perdu leur ardeur anticléricale; ils se contentèrent de maintenir le statu quo. […]
La séparation de l'Eglise et de l'Etat. Ces efforts aboutirent à une solution constitutionnelle qui avait été évoquée à plusieurs reprises depuis 1847: la séparation de l'Eglise et de l'Etat. En 1855, un projet de loi avait été présenté par le Dr Jean-Henri Duchosal, mais il n'aboutit pas. Tandis que les Eglises protestantes dissidentes, issues du Réveil, et des radicaux toujours plus nombreux étaient favorables à la rupture du lien entre l'Eglise et l'Etat, les membres de l'Eglise nationale s'y montrèrent longtemps rebelles. Ils estimaient en effet que l'Eglise réformée était l'un des appuis de la nationalité genevoise, de son identité, comme l'on dirait aujourd'hui. »
Il ne semble pas avoir existé d'obligation de conversion du catholicisme vers le protestantisme. Mais il se peut que certains catholiques issues des communes réunies à Genève optaient, pour certains, pour une conversion vers le protestantisme afin de mieux s'assimiler et opter pour une identité plus genevoise.
La thèse de Sarah Scholl – En quête d'une modernité chrétienne : la création de l'Église catholique-chrétienne de Genève (1870-1907) dans son contexte politique et culturel – soutenue en 2012 à l'Université de Genève en théologie, fournit également des informations sur ce sujet. On peut lire à la page 45 :
« Cette aspiration à la nationalité suisse a elle-même une histoire. Dès le 18ᵉ siècle, par les migrations, en particulier les migrations saisonnières, naît en Savoie une longue tradition de contacts avec les Genevois. Le curé de Genève Jean-François Vuarin (1769-1843) dénonce l’influence pernicieuse de Genève sur les maçons, les ramoneurs ou les porteurs d’eau venus notamment du Chablais et du Faucigny. En août 1823, dans une lettre à Mgr Claude-François de Thiollaz, évêque d’Annecy, Vuarin expose son inquiétude au sujet de ces ouvriers arrivés en masse (il en a compté plus de 400 dans sa paroisse) pour travailler à Genève et logeant dans des tavernes bon marché : "Mêlés jour et nuit à une populace corrompue, hérétique ou impie, animée d’un sentiment de démocratie renforcée et d’un sentiment d’aigreur contre la cour de Turin, que l’on ne cesse de leur peindre comme l’ennemie de la République, ces ouvriers, fussent-ils des anges en arrivant à Genève, peuvent-ils résister aux impressions de l’atmosphère contagieuse qui pèse sur eux en tous sens ?" »
À la page 113 on peut encore lire :
« Cette rhétorique qui lie indissolublement la nation et sa confession est toujours de vigueur à la veille du Kulturkampf, elle se maintient jusqu’à la séparation des Eglises et de l’Etat de 1907 dans la plupart des discours protestants et lui perdure dans une certaine mesure. Cette conception de la "nationalité protestante" tend donc à exclure d’office les catholiques qui font allégeance à une Rome jugée obscurantiste.
L’anticatholicisme est ainsi inclus dans la définition même de l’identité genevoise. S’il prend des formes diverses, il est une véritable constante du discours des élites protestantes durant la seconde moitié du 19ᵉ siècle. D’autant plus que cette conception de l’identité genevoise émerge parce que, justement, elle est menacée par la présence catholique et l’accroissement de cette population. Le motif ancien de la lutte contre la reconquête catholique de Genève est réactivé. A partir du recensement de 1860, qui révèle une petite majorité d’habitants catholiques dans le canton, les chiffres contredisent frontalement les constructions mentales individuelles et collectives d’une "cité protestante", créant un véritable mouvement de panique dans une bonne partie de la population protestante, mouvement sur lequel va se construire le Kulturkampf. »
En page 321 on trouve d’autres explications, vues du côté des curés catholiques :
« Pour les curés, ces passages au protestantisme sont le résultat de l’insuffisance de l’enseignement religieux délivré : "Ne voyant pas de différences essentielles entre nous et le protestantisme, [les fidèles] n’ont aucun scrupule de nous quitter pour ce dernier." Le protestantisme en outre est la religion dominante à Genève et les élites catholiques-chrétiennes sont conscientes que cela représente en soi un pouvoir d’attraction. »
À cette même page la note 338 indique
« En 1892, le curé Castanié attribue la diminution du nombre d’actes pastoraux à Genève au "prosélytisme" des protestants. "Les pauvres vont à eux dans l’espérance d’être secourus plus efficacement et nous sommes sûrs que dans les familles où l’un ou l’autre des époux est protestant, les enfants sont élevés dans le protestantisme." »
Par hypothèse, plusieurs éléments laissent à penser que pour être assimilé politiquement ou socialement et personnellement à Genève, il y avait pour certains Savoyards des avantages à se convertir. De plus dans ces époques troublées par les questions religieuses, le Kulturkampf, la séparation de l’église et de l’Etat, l’adoption de la religion majoritaire du canton pouvait donner accès à des facilités sociales et administratives, voire de secours.
Pour les questions liées à l’enseignement de la religion à l’école, vous pouvez vous référer au livre de Gabriel Mützenberg Genève 1830 : restauration de l’école qui traite des écoles primaires, protestantes ou catholiques, et de l’enseignement religieux dès la page 495.
Du même auteur, l'article Révolution genevoise de 1864 et pédagogie chrétienne : ou un grand pas vers l'école laïque, paru en 1972 dans la Revue suisse d’histoire pourrait également vous intéresser.
Vous pouvez également consulter le livre de Frédéric Amsler L'apprentissage du pluralisme religieux : le cas genevois au XIXe siècle dont voici un résumé :
« Etude des changements et des déplacements propres au XIXe siècle en matière de relations entre Eglises – au pluriel – et Etat, et plus généralement entre religions et société. L'histoire genevoise offre un bon point de départ pour l'étude de la gestion de la mixité confessionnelle, puisque, depuis les traités de Vienne, de Paris et de Turin (1814- 1816), le canton réunit populations catholique et protestante, auxquelles s'ajoutent différentes communautés minoritaires comme les Églises évangéliques, la communauté juive et le groupe grandissant des libres penseurs. Cet ouvrage permet l'étude non seulement des conflits et des violences religieuses liés à cette mixité mais aussi des solutions pratiques et intellectuelles mises en œuvre pour les résoudre tant au niveau cantonal que fédéral, ecclésial que politique, social qu'idéologique. De la Restauration en 1814 jusqu'à la suppression du budget des cultes en 1907 à Genève, la problématique est examinée du point de vue des institutions politiques, de l'école, de la gestion de l'espace public et à travers les différents discours que ces communautés construisent les unes par rapport aux autres. »
Nous espérons que ces éléments vous aideront dans votre recherche. N'hésitez pas à nous recontacter pour tout complément d'information ou toute autre question.
Cordialement,
La Bibliothèque de Genève
Pour www.interroge.ch