La réponse a été mise à jour le 27 March 2023.
Bonjour,
Nous vous remercions d'avoir fait appel au service Interroge, voici le résultat de nos recherches :
Il semblerait que les oiseaux soient capables de modifier ou à défaut, d’apprendre un nouveau chant assez rapidement. Ainsi, sur le site du magazine Sciences et avenir on peut lire, dans l’article Des oiseaux apprennent un nouveau chant, puis le transmettent aux générations suivantes d'octobre 2018, que « des chercheurs ont réussi à faire apprendre de nouvelles mélodies à de jeunes oiseaux sauvages à l'aide de haut-parleurs. […] L'équipe de chercheurs a élaboré des haut-parleurs capables de diffuser des mélodies avec des signatures sonores bien particulières. Des détails auditifs qui n'avaient jusqu'alors jamais été entendus par ces oiseaux. Sur l'ensemble des cinq années, les scientifiques canadiens ont relevé une trentaine d'oiseaux qui ont reproduit les signatures sonores du son diffusé par les enceintes. »
Laurent Vallotton, ornithologue au Muséum d’histoire naturelle de Genève, explique ceci concernant la vitesse de changement des chants d’oiseaux : « les oiseaux, s'adaptent assez vite, et on peut mettre en évidence que les oiseaux urbains chantent plus fort pour couvrir le bruit des villes que leurs conspécifiques des campagnes. Mais ce n'est pas forcément inscrit dans leurs gènes, c'est de la plasticité et c'est probablement réversible. Et en plus ces différences ne sont pas audibles à l'oreille humaine. Les histoires d'oiseaux qui chantent plus ou plus fort depuis la Covid-19 ne sont pas pertinentes. Elles sont plutôt le reflet d'une meilleure écoute liée à la disponibilité des auditeurs et à la diminution du bruit ambiant.
On sait que les oiseaux ont des accents régionaux (les cétacés aussi j'imagine), qui correspondent à des cultures, que des individus de certaines espèces acquièrent en s'imitant de proche en proche. Ce genre de phénomène peut vraisemblablement se mettre en place assez vite (en quelques dizaines d'années probablement). Ça doit être assez proche de ce qu'on observe pour les langues humaines, vu que le principe est le même.
Certains chants d'oiseaux imitateurs (des cas particuliers donc) peuvent évoluer pratiquement du jour au lendemain. On a tous vu ces vidéos d'oiseaux lyres qui imitent tous les sons de la forêt, y compris des déclencheurs d'appareils photo ou des tronçonneuses.
En tous les cas, le chant des oiseaux étant une composante essentielle de la reproduction, il y a fort à parier que les changements, s'il y en a, doivent être graduels, et que s'il y a une pression évolutive, elle doit plutôt tendre vers la stabilité. »
La Station ornithologique suisse propose un cahier sur Le chant des oiseaux qui contient un chapitre sur les Dialectes des oiseaux. Cet article, disponible sur son site, explique également que « Les dialectes nous sont familiers dans toutes les langues. La séparation géographique entraîne des variations dans l’évolution de la langue et l’apparition de dialectes. Il en va de même chez les oiseaux. »
Dans son livre (disponible en ligne) Exploration des possibilités d’émergence d’une langue maternelle unique et globale, le linguiste Fritz Dufour, écrit ceci à la page 95 :
« Mon explication de la sélection naturelle des animaux, en termes linguistiques, se résume à la reproduction du changement, c’est-à-dire un changement qui se produit suite à la reproduction de la mutation et grâce à la migration, deux phénomènes qui ne sont pas seulement les prérogatives des humains. Suite à une mutation potentielle de leur gène linguistique, les animaux peuvent reproduire une telle mutation et répandre cette dernière en migrant, comme nous l’avons fait il y a des centaines de milliers d’années. »
Voilà la réponse de Laurent Vallotton concernant les chants d’oiseaux avant les enregistrements : « Ce qui est sûr, c'est qu'on a aucun moyen de savoir ce qui se passait avant qu'on ait des moyens d'enregistrement. Mais il y a toutefois des indices dans la littérature que les chants d'oiseaux par exemple n'étaient pas fondamentalement différents il y a cent, mille ou deux mille ans (odes au rossignol, ou ce genre de choses). »
Dans le livre Biodiversité et évolution du monde animal : Une brève histoire des animaux, également disponible partiellement en ligne, Jean-Christophe Guéguen explique à la page 304 qu'« il n’y a pas d’archives paléontologiques de chants d’oiseaux. On peut imaginer qu’au cours du temps, les chants se sont sans cesse spécialisés à partir d’une espèce ancestrale. Les plus performants ont été sélectionnés et conservés. »
De plus, dans l’article « Le chant des oiseaux raconte des histoires », paru le 18 septembre 2012 dans le journal "Ouest France" on apprend que « pour mémoriser les chants des oiseaux, qui renseignaient sur l'état de la faune, du temps qu'il va faire, les anciens n'avaient pas de CD et autres guides technologiques. Gilles Mourgot, directeur de la Ligue de protection des oiseaux, confirme : "Ils apprenaient le chant des oiseaux avec des onomatopées plus ou moins fidèles, des phrases, des bouts d'histoires, des formules liées à des contes, parfois drôles, ou irrévérencieux." C'est toute une poésie rustique qui visait à restituer les chants et qu'on se transmettait de génération en génération. »
Pour plus d’informations sur la bioacoustique, la science des communications animales, vous pouvez écouter le podcast Acoustique : quand la science écoute le chant du monde diffusé le 23 avril 2019 dans l’émission La méthode scientifique.
Enfin, nous vous suggérons la lecture de l’ouvrage d’André Bossus et François Charron Guide des chants d’oiseaux d’Europe occidentale : description et comparaison des chants et des cris.
Nous espérons que ces éléments vous aideront dans votre recherche. N'hésitez pas à nous recontacter pour tout complément d'information ou toute autre question.
Cordialement,
La Bibliothèque du Muséum d'histoire naturelle
Pour www.interroge.ch