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La réponse a été mise à jour le 18 juin 2024.
Bonjour,
Nous vous remercions d'avoir fait appel au service Interroge, voici le résultat de nos recherches :
Une recherche dans les archives de la presse numérisée et accessible sur la plateforme Scriptorium fournit quelques articles qui relatent cette étrange pratique. Elle est notamment citée dans une rubrique nécrologique, parue le 18 juin 1969 dans le Journal d’Yverdon, à l’occasion du décès du dentiste Oscar Grüter. On y lit ceci :
« Le Dr Grüter nous avait encore dit qu’en 1920, beaucoup de jeunes filles de la campagne se faisaient encore arracher les dents pour leur mariage, et des jeunes gens pour leur école de recrues. »
En consultant la base de données e-Newspaperarchives.ch, on constate qu'apparemment, cette pratique avait encore cours dans les années 70. C'est ce que nous apprend le journal de la Migros : Construire. Le 6 octobre 1976, ce journal a publié dans sa rubrique Alors, raconte... un témoignage sous le titre Les dents du Jura. L’auteure du témoignage relate une discussion qu’elle a eue avec une jeune apprentie de supermarché qui lui apprend s’être fait arraché toutes les dents pour y mettre un dentier. Elle dit notamment que « Les garçons aiment que les filles qu’ils fréquentent aient déjà un dentier. Comme ça, ils savent qu’ils n’auront jamais de frais de dentiste, plus tard. Ça compte dans un jeune ménage ! »
En fin d’article, l’auteure écrit : « J’ai interrogé mon dentiste qui […] me confirma la chose : "Oui, oui… Bien des gamines de quinze-seize ans se font enlever toutes les dents afin de ne plus avoir affaire au dentiste. Si cela facilite leur mariage ? Ma foi, elles ne me le disent pas expressément, mais..." Un sourire entendu et un rien narquois complétait la réponse inachevée... »
Un témoignage similaire est paru en 1975 dans la revue Femmes suisses : « Une jeune femme de 24 ans s’est présentée chez un dentiste, lui demandant de lui arracher toutes ses dents et de lui faire un dentier. Elle y était obligée, non par le mauvais état de sa dentition, mais par sa future belle-famille !
Cette histoire s’est peut-être passée en 1920, ou en 1880, on le croit facilement. Mais elle s’est aussi passée en 1975, dans notre bonne Suisse romande ! Le plus étonnant, c’est qu’un dentiste s’est trouvé d’accord d’effectuer cette besogne […]. »
Nos recherches nous ont également permis de constater que cette « coutume » se pratiquait parfois lors de la communion déjà. Le quotidien 24 Heures en témoigne dans son article Histoire insolite de la dent, du dentier, et des outils ordinaires du dentiste, paru le 29 juin 1996 dans la rubrique Les chroniques du pays :
« Si l’on en croit l’Encyclopédie vaudoise (tome 10, page 26), on a vu, il n’y a même pas trente-cinq ans, et dans la gentille région de Thierrens, des parrains offrir à leur filleul, en guise de cadeau de première communion, un dentier. Oui j’ai bien dit un dentier. "Car la médecine et l’hygiène étaient peu développées à la campagne." »
Et comme on l’a vu plus haut, certains hommes se faisaient faire un dentier au moment d’aller à l’école de recrue. Mais, là aussi, sans détails supplémentaires sur l’origine de cette « tradition » qui était apparemment pratiquée dans plusieurs régions de Suisse.
Ce qui est toutefois étonnant, c'est que nous n’avons rien trouvé dans les revues scientifiques qui pourrait confirmer et expliquer cette pratique. Apparemment, aucun-e-s sociologues n’a (encore) estimé nécessaire de s’y intéresser.
En effet, nos collègues de la Bibliothèque du Musée d'ethnographie de Genève ont consulté divers ouvrages au sujet des unions et mariages en Europe et plus particulièrement leurs rites, croyances. Certains mentionnent avec précision les procédés et stratégies pour trouver maris et épouses mais aucun d’entre eux ne fait référence à l’extraction dentaire de jeunes filles. (par exemple le chapitre « Se rencontrer » de l’ouvrage S'unir et se marier en Savoie : anciennes et nouvelles enquêtes sur les rites de passage de Tarentaise et Maurienne par Stéphane Henriquet).
Nous avons également questionné Federica Tamarozzi-Bert, conservatrice du département Europe du Musée d’ethnographie, à ce propos. Elle confirme que cette pratique n’a pas été attestée dans l'arc Alpin, ni dans les traces qu'elle aurait pu laisser dans la tradition orale des différentes zones linguistiques concernées.
Federica Tamarozzi nous a éclairé sur ce domaine très spécifique :
« Dans le vaste champ de l'ethno-médecine, l'ethno-odontoiatrie (dentisterie) est un domaine particulièrement intéressant puisqu’il mêle soins domestiques et soins spécifiques.
Bien évidemment les idéaux esthétiques dentaires peuvent être très différents d'une culture à l'autre mais toutes les pratiques nous montrent que les dents ne sont pas simplement une partie fonctionnelle du corps, mais aussi un marqueur social et culturel. Les ethnologues et les anthropologues bio-culturels les étudient pour avoir des indications sur l’état de santé d’une personne, mais aussi sur son statut social et sur la communauté à laquelle il appartient. »
Pour approfondir vos recherches, voici d'autres références qui pourront vous procurer des informations :
L'évolution de la famille et du mariage en Europe de Jack Goody
Mariages et noces d'autrefois : histoires, rites et traditions de Michel Vernus
Le chemin des noces de Marie-Thé Laurentin
Histoire du mariage d'Edward Westermarck
Histoire de la vie privée. Tome 4 De la révolution à la Grande Guerre d'Alain Corbin
Die Gebräuche bei Verlobung und Hochzeit : mit besondrer Berücksichtigung der Schweiz de Hanns Bächtold
Nous espérons que ces éléments vous aideront dans votre recherche. N'hésitez pas à nous recontacter pour tout complément d'information ou toute autre question.
Cordialement,
www.interroge.ch
Service de référence en ligne des bibliothèques de la Ville de Genève