Le corse Pasquale Paoli a-t-il vraiment inventer la démocratie moderne ?

Bonjour,

Nous vous remercions d'avoir fait appel au service Interroge, voici le résultat de nos recherches :

Pour répondre à votre question, nous avons consulté l’article de l’historienne Dorothy Carrington – Paoli et sa « Constitution » (1755-1769) - paru en 1974 dans les Annales historiques de la Révolution française.

Voici ce qu’elle écrit au sujet de Pascal Paoli et son « invention de la démocratie moderne » :

« La thèse d’une démocratie corse avant la lettre, qui prévalut au cours du XIXe siècle, fut mise en doute par la suite. Tandis que Mathieu Fontana, auteur en 1907 du seul ouvrage entièrement consacré à la "constitution" de Paoli, souscrit toujours à la tradition boswellienne, des historiens plus récents ont tendance à considérer Paoli comme un despote, éclairé ou non, et à contester le caractère démocratique de son régime. D’autres ne voient dans son système qu’un amalgame d’institutions trop instables pour que l’on puisse parler d’une constitution. »

Elle accompagne ce passage d’une note en bas de page dans laquelle elle écrit : « Parmi les historiens plus récents voir surtout Fernand Ettori, auteur de l’étude la plus objective parue à ce sujet, avec une riche bibliographie, La révolution de Corse (1729-1769), dans Histoire de la Corse édité par Paul Arrighi. » Ouvrage que nous vous recommandons donc de consulter.

Dorothy Carrington écrit encore, toujours en lien avec votre questionnement, que « Dans l’ensemble de ce qui a été écrit à ce sujet, des jugements ont devancé des études de base. Il resterait à faire une analyse complète et détaillée du système de gouvernement de Paoli. […] Le but de la présente étude, fondée sur un examen de ces sources, se limite à esquisser la "constitution" de Paoli dans ses grandes lignes et à indiquer les problèmes à élucider dans des recherches futures. »

L’auteure indique notamment que « Dans les diverses œuvres traitant de la "constitution" de Paoli, deux thèses s’affrontent. D’une part, celle d’un chef d’Etat démocrate, adoré par la nation tout entière : c’est celle que prône Boswell et qui est devenue pour ainsi dire une légende historique. D’autre part, la thèse d’un Paoli qui, en dépit du système représentatif dont il était l’auteur, penchait, par goût personnel, vers un despotisme, voire une dictature : c’est ainsi que le chef d’Etat est jugé, en premier lieu, par Pommereul, et ensuite, avec quelques nuances, par Rossi et par certains historiens plus récents. »

Enfin, elle conclut son étude ainsi :

« malgré tout, Paoli croyait à la démocratie; une conception de la démocratie, certes, qui ne correspond guère au sens que nous donnons aujourd’hui à ce terme. […]

On peut admettre que Paoli n’avait pas tout à fait tort, à condition, bien entendu, de considérer son régime dans le contexte de l’époque. Le système offrait une mesure d’égalité et de liberté peu commune dans l’Europe du milieu du XVIIIe siècle. Il y avait égalité devant la loi, et absence de privilèges nobiliaires ou héréditaires; tout emploi et charge publiques, comme le souligne Paoli dans la lettre précitée, était accessible par voie d’élection. Pendant la plus grande partie de la durée du régime, chaque homme majeur avait le droit de voter aux élections législatives, et même lorsque le suffrage fut restreint, à partir de 1766, il n’était point question d’un vote censitaire. La Diète, tout en nous paraissant peu conforme à notre idée actuelle d’une assemblée nationale démocratique, offrait cependant à la nation des moyens, alors exceptionnels, pour lui permettre d’exercer un certain contrôle sur son destin. »

Pour aller plus loin sur le sujet, vous pouvez consulter la thèse de Marie-Thérèse Avon-Soletti : La Corse et Pascal Paoli : essai sur la constitution de la Corse.

Et écouter l’émission Le Vif de l'histoire de France Inter consacrée à Pascal Paoli et diffusée le 22 mars 2022.

Nous espérons que ces éléments vous aideront dans votre recherche. N'hésitez pas à nous recontacter pour tout complément d'information ou toute autre question.

Cordialement,

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