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Interroge a répondu à la question "L'art a-t-il besoin de musées ?"
La réponse a été mise à jour le 13 février 2023.
Bonjour,
Nous vous remercions d'avoir fait appel au service Interroge, voici le résultat de nos recherches :
Le Conseil International des musées (ICOM) définit le mot musée en ces termes : « Le musée est une institution permanente sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation. »
Historiquement, le musée trouve ses origines dès la seconde moitié du 14e siècle, où apparaissent dans les demeures princières, des pièces dévolues à conserver ces objets rares et précieux, suite aux trouvailles de l’Antiquité, les cabinets de curiosités ou Kunstkammer en allemand. Louis Marin parle de ces espaces particuliers dans son article Fragments d’histoires de musées, paru en 1986 dans les Cahiers du Musée national d’art moderne.
La Révolution française marque une césure importante. Dans L’invention des musées de Roland Schaer, ce dernier explique que « Dès 1789, la Révolution française met en route le processus d’appropriation des "bien nationaux". Mais en même temps elle est aux prises, périodiquement, avec la tentation du vandalisme, de la destruction de ce qui rappelle l’Ancien Régime. Pour assurer la sauvegarde de ces richesses, elle devra créer un espace neutre, qui fasse oublier leur signification religieuse, monarchique ou féodale : ce sera le musée. »
Dans son article L’artiste, l’institution et la culture du projet, paru en 2016 dans Culture & Musées, Jérôme Glicenstein débute ainsi « Les musées sont-ils les maisons de famille des artistes : des lieux où ils se ressourcent, trouvent l’inspiration, et dans lesquels ils souhaitent un jour être exposés ? Ou bien sont-ils au contraire des endroits à éviter, des conservatoires de valeurs dépassées, repoussoirs de tout engagement artistique dans le monde contemporain ? »
L’auteur tente de répondre à ces questions en montrant l’évolution du rôle du musée au cours des dernières décennies : « A de rares exceptions près, jusqu’au début du XXe siècle, la relation des artistes occidentaux aux musées était restée assez simple. Les musées n’exposaient que peu d’œuvres d’artistes vivants et se contentaient principalement de leur offrir l’accès à des réservoirs de modèles, susceptibles d’enrichir l’apprentissage de leur métier. Le point de vue des artistes sur les musées était alors de considérer ceux- ci comme des lieux d’apprentissage, voire de reconnaissance dans un futur hypothétique, même s’ils étaient aussi parfois vus comme des cadres étroits, limitant leur liberté de création. S’ils s’en contentaient, c’est surtout qu’ils permettaient de garantir par l’exemple la qualité de leurs pratiques. […] Un célèbre échange de vues entre des experts issus de musées d’art contemporain permet pourtant de constater que la question a progressivement changé de nature (Gaudibert, Hulten, Kustow et al., 1972). Cette fois, c’est le modèle du musée d’art moderne qui est mis en cause, les participants pointant les contradictions d’une institution qui leur semble structurellement inadaptée à l’actualité de la création. Il est vrai que les années 1960 avaient vu apparaître chez de nombreux artistes une critique assez forte de l’idée moderniste d’autonomie de la création. Cela avait notamment donné lieu au boycott de certains musées – en particulier le MoMA en 1969 –, à des séries d’interventions in situ, voire à l’idée d’une "critique institutionnelle". […] La conscience de cette évolution – à laquelle eux-mêmes avaient contribué – pousse alors le groupe d’experts à formuler un ensemble de propositions permettant de faire en sorte que désormais le "musée [soit] plus proche d’un atelier de travail que d’un lieu de consécration". Il doit ainsi devenir "l’endroit où l’on est le plus proche de la sensibilité et de l’intention artistiques", tout en se faisant "centre d’information, station de télévision". »
L’auteur, Jérôme Glicenstein, poursuit en ouvrant le débat quant au rôle du musée au 20e siècle : « Simultanément, comme le remarquait P. Ardenne, il y a déjà vingt ans : "[...] le sentiment dorénavant prévalant est que l’artiste, pour sa part, n’est plus aujourd’hui en mesure de se passer de l’institution [...]." (Ardenne, 1996 : 34.) Il faut ajouter à cela que l’évolution de l’art contemporain au cours des dernières décennies – et en particulier la multiplication des démarches non productrices d’objets au sens traditionnel – a fini par placer les institutions artistiques dans une situation ambivalente vis-à-vis de leurs missions historiques. Nathalie Heinich remarque que les problèmes de conservation de l’art contemporain ou le fait que l’obsolescence des œuvres n’est pas accidentelle, mais voulue, peuvent poser un problème "déontologique" aux musées (Heinich, 2014 : 283). Faut-il conserver les œuvres à tout prix si cela entre en contradiction avec la démarche de l’artiste ? Dans un autre registre, que penser du fait que le musée est de plus en plus producteur ou coproducteur des œuvres qui y sont exposées ? Ce nouveau rôle s’oppose de fait à toute une tradition selon laquelle le musée se contente de prendre acte à distance des évolutions du goût au sein de la société. »
Jérôme Glicenstein apporte plusieurs éléments de réponses sur le rôle du musée dans son ouvrage L’art : une histoire d’expositions.
La vision de l’artiste du musée est, elle aussi, intéressante, comme le montre Elvan Zabunyan dans son article Artistes versus musées, enjeux d'une pensée critique, paru en 2011 dans les Cahiers philosophiques : « Les artistes choisissent le musée comme sujet car ils en ont une connaissance réelle. C’est par le musée qu’ils sont formés, c’est en visitant une exposition qu’ils se familiarisent avec les œuvres, c’est en étudiant les collections qu’ils évaluent les équilibres entre les acquisitions et le cours de l’histoire de l’art. C’est ce que souligne McShine dans son introduction : "Ce qui est fascinant dans la relation entre les artistes et les musées est que les artistes ont étudié tous les aspects du musée comme s’ils disséquaient un organisme. De même, la façon dont ils intègrent le musée dans leur travail va au-delà d’une simple considération pragmatique, leur intérêt est bien en partie professionnel : leur sens de ce que le musée signifie en termes d’acceptation publique rend un certain nombre d’entre eux impatients d’être représentés par des collections muséales et inquiets s’ils en sont absents. D’autres, pendant ce temps, se demandent si oui ou non leur travail devrait être présenté dans un musée, puisqu’y être est une manière de céder à l’establishment. Dans chaque cas, les artistes sont le plus souvent en train de lutter avec leur dépendance du musée pour garantir leur place dans l’histoire de l’art." »
Certaines formes d’art sont cependant difficilement transposables dans un musée comme le Land Art. Dans son ouvrage - Paysages théoriques du Land Art - Benjamin Riado l’explique ainsi : « Pourtant, à maints égards, ces œuvres ne se prêtent pas à cette convention de l’accrochage muséal. Un manque perceptif monumental structure même l’expérience du spectateur face aux parerga qui occupent les cimaises des musées – ce que nous proposions d’appeler avec Derrida, "monumanque" au chapitre 4 – car c’est bien le manque qui se montre à travers les éléments exposés à valeur artistique dans ce que Smithson qualifie avec sagacité de "non-sites". Dans le Land Art, le commerce avec l’objet d’art exposé ne gratifie pas le spectateur d’une expérience esthétique complète, au sens où rien d’autre que cet objet ne pourrait l’enrichir. »
Nous pouvons également citer l’exemple du street-art qui, considéré comme œuvre in situ, peut toutefois s’exporter dans le musée, comme l’explique Magda Danysz, curatrice de l’exposition Street Generation(s) - 40 ans d'art urbain à Roubaix en 2017, dans l’article De la rue au musée, une histoire du street art, paru cette même année dans Beaux arts magazine : « Pour beaucoup, le travail qu’ils réalisent en atelier est concomitant avec celui qu’ils déployaient dans la ville […]. Futura 2000, par exemple, a commencé à explorer l’abstraction sur le flanc des métros tout en poursuivant ses recherches sur toile. Cela a permis à tous ces artistes de développer des expérimentations plus poussées et, très tôt, de présenter leur travail en galerie. Même si, dès le départ, le débat entre intérieur et extérieur existait, la transition s’est faite de manière beaucoup plus naturelle qu’on voudrait bien le croire. »
Pour aller plus loin sur le sujet de l’art et des musées :
L’art en question : essai sur la re-définition de l’art de Laurent Guyot
Defining the museum: challenges and compromises of the 21st century de Bruno Brulon Soares - article paru en 2020 dans la revue du Comité international pour la muséologie (ICOFOM) : ICOFOM Study series
Quand l’oeuvre a lieu : l’art exposé et ses récits autorisés de Jean-Marc Poinsot
Le musée comme expérience : dialogue itinérant sur les musées d’artistes et de collectionneurs de Dario et Libero Gamboni
Construire un lieu public de l'œuvre d'art de Rémy Zaugg - article paru en 1986 dans les Cahiers du Musée national d'art moderne
Le musée, une histoire mondiale de Krzysztof Pomian
Nous espérons que ces éléments vous aideront dans votre recherche. N'hésitez pas à nous recontacter pour tout complément d'information ou toute autre question.
Cordialement,
La Bibliothèque d'art et d'archéologie
Pour www.interroge.ch