Les finalistes du Prix Martin Ennals 2021 mettent en lumière les abus de régimes autoritaires

Trois éminent-e-s défenseur-euse-s des droits humains qui mènent leur combat pour les libertés dans des États autoritaires sont les finalistes du Prix Martin Ennals pour les défenseur-euse-s des droits humains 2021.

Image
prix martin ennals 2021
Cérémonie de remise du Prix en ligne le 11 février 2021
Le Prix Martin Ennals 2021 sera remis à l’un-e des trois finalistes le 11 février 2021 lors d'une cérémonie en ligne

Au Turkménistan, l’un des pays les plus isolés au monde, Soltan Achilova documente les violations des droits humains par le biais du photojournalisme.

Loujain AlHathloul est une éminente défenseuse de l'égalité des sexes et des droits des femmes détenue en Arabie saoudite.

L’avocat Yu Wensheng a défendu les droits de plusieurs de ses compatriotes et de militants des droits humains avant sa condamnation et son emprisonnement en Chine.

Leur courage sera célébré lors de la cérémonie de remise du Prix Martin Ennals 2021 qui se déroulera en ligne le 11 février prochain. 

Rien ne saurait nous empêcher de célébrer les défenseur-euse-s des droits humains 

Chaque année, le Prix Martin Ennals honore des défenseur-euse-s des droits humains du monde entier qui se distinguent par leur profond engagement à promouvoir nos droits fondamentaux et ce, souvent au péril de leur vie. En 2021, le Jury a nominé trois personnes qui travaillent dans des contextes de régimes très autoritaires. «Chaque année, des milliers de défenseur-euse-s des droits humains sont persécuté-e-s, harcelé-e-s, emprisonné-e-s, voire tué-e-s. C’est un honneur pour la Fondation Martin Ennals que de célébrer les finalistes de notre Prix 2021, qui ont tant fait pour les autres; les épreuves qu’ils ont traversées sont emblématiques de la précarité à laquelle se retrouve confronté le mouvement des droits humains aujourd'hui», note Isabel de Sola, directrice de la Fondation Martin Ennals.

Les finalistes 2021

«Les États autoritaires tendent à croire qu'il suffit d’emprisonner ou de censurer les défenseur-euse-s des droits humains pour que le monde les oublie. Pendant la pandémie de COVID-19, on aurait pu s’attendre à ce que les mesures de confinement parviennent à davantage empêcher les gens de s'exprimer. Les finalistes de cette année sont la preuve vivante que rien n'est plus éloigné de la vérité », commente Hans Thoolen, président du Jury.

  • Au Turkménistan, l'un des pays les plus isolés du monde, la liberté d'expression est inexistante et les journalistes indépendants travaillent au péril de leur vie. Soltan Achilova, une photojournaliste âgée de 71 ans, documente les violations des droits humains et les problèmes sociaux qui touchent les Turkmènes dans leur vie quotidienne. C’est l’une des rares journalistes du pays à oser signer des articles indépendants malgré le contexte répressif dans lequel elle travaille et les épreuves qu’elle a traversées.
  • En Arabie saoudite, les femmes sont encore confrontées à plusieurs formes de discrimination de genre: le Royaume figure parmi les dix derniers du classement établi par le Rapport 2020 sur la parité entre les hommes et les femmes dans le monde, publié par le Forum économique mondial. Loujain AlHathloul, 31 ans, a été l'une des principales figures du mouvement «Women to drive» et milite pour l’abolition du système de tutelle masculine. Elle a été emprisonnée en 2018 pour des motifs liés à la sécurité nationale avec plusieurs autres militantes. Torturée, privée de soins médicaux et placée en cellule d’isolement, Loujain a été condamnée à cinq ans et huit mois de prison le 28 décembre 2020. 
  • En Chine, plus de 300 militant-e-s des droits humains et avocat-e-s ont disparu ou ont été arrêté-e-s en 2015 lors de la vague de «répression 709». Yu Wensheng, 54 ans, a abandonné sa carrière florissante d’avocat d'affaires pour défendre l'un de ces avocats détenus, avant d'être lui-même arrêté. Yu Wensheng est aujourd’hui détenu depuis près de trois ans; on lui a écrasé la main droite en prison et son état de santé se détériore de jour en jour.

Cérémonie de remise du Prix en ligne le 11 février 2021

Le Prix Martin Ennals 2021 sera remis à l’un-e des trois finalistes le 11 février 2021 lors d'une cérémonie en ligne co-organisée par la Ville de Genève (Suisse) qui soutient le prix depuis de nombreuses années.

«La Ville de Genève réaffirme son soutien en faveur des droits humains, tout particulièrement en ces temps de crises et de bouleversements. Les droits humains sont le fondement de notre société et pas même la pandémie ne nous empêchera de rendre hommage à ces personnes courageuses qui ont tant sacrifié», déclare le Conseiller administratif Alfonso Gomez.

Présentation des finalistes

Les finalistes se distinguent par leur courage et leur engagement infaillible pour les causes qu'ils défendent malgré les nombreuses tentatives de leurs gouvernements respectifs de les réduire au silence.

Soltan Achilova (Turkménistan)

Soltan Achilova, une photojournaliste et reporter indépendante âgée de 71 ans, travaille au Turkménistan, l'un des États les plus isolés et les plus répressifs du monde.

Elle fait la lumière sur les nombreuses injustices et violations des droits humains commises dans son pays. Le gouvernement exerce un contrôle quasi-absolu sur sa population si bien que les Turkmènes n'ont pratiquement aucun recours pour défendre leurs droits. Son travail illustre les problèmes qui touchent les citoyen-ne-s turkmènes dans leur vie quotidienne, tels que l'insécurité alimentaire, les expulsions forcées et illégales, le manque de services de santé adéquats et les discriminations dont sont victimes les personnes en situation de handicap.

Depuis plus de dix ans, elle écrit des articles et réalise des reportages sur ces questions qu’elle envoie clandestinement à des médias basés à l'étranger. Ses photographies et les résultats de ses investigations ont joué un rôle clé dans les enquêtes sur les violations du droit au logement à Achgabat menées par la Fondation Helsinki pour les droits de l'homme au Turkménistan et Human Rights Watch.

En tant que journaliste d'investigation dans un pays où la liberté des médias n’existe pas, Soltan Achilova est victime de graves formes d'attaques et de harcèlement. Les autorités l’ont empêchée de quitter le pays à plusieurs reprises et elle n'a pratiquement pas accès à Internet. Malgré un contexte difficile et les épreuves qu’elle a traversées tout au long de sa vie, elle continue à enquêter et à soutenir ses concitoyen-ne-s turkmènes.

Loujain AlHathloul (Arabie saoudite)

Loujain AlHathloul est une éminente militante des droits humains saoudienne âgée de 31 ans. Elle a joué un rôle clé dans la défense de droits des femmes et dans la promotion de l’égalité des sexes en Arabie saoudite.

Avant son arrestation en 2018, Loujain AlHathloul était l'une des figures de proue du mouvement «Women to Drive» qui réclamait l'abolition de l'interdiction de conduire pour les femmes. Elle a également plaidé pour la fin du système de tutelle masculine en Arabie saoudite et avait prévu d'ouvrir un centre d’accueil pour les victimes de violence sexiste.

Loujain a commencé à militer en 2013 alors qu'elle n’était encore qu’une étudiante en littérature française à l'Université de la Colombie-Britannique au Canada. Malgré les grands risques liés à ses activités de militantisme, Loujain AlHathloul a décidé de poursuivre sans relâche sa mission de donner une voix aux sans-voix. Elle a été arrêtée pour la première fois en 2014 alors qu'elle conduisait des Émirats arabes unis vers l'Arabie saoudite voisine. Détenue depuis mai 2018, elle a été torturée, placée en cellule d’isolement sans pouvoir communiquer avec ses avocats ou avec sa famille et recevoir des soins médicaux. Loujain aurait pu être libérée à condition qu'elle nie publiquement avoir été torturée en prison mais elle a refusé de le faire. En octobre 2020, elle a entamé une grève de la faim pour protester contre ses conditions de détention. Le 25 novembre, son affaire a été transférée vers un tribunal pénal spécialisé, connu sous le nom de «tribunal du terrorisme». Sa famille n'a eu droit qu'à une seule journée pour préparer sa défense. Le 28 décembre, la Cour a condamné Loujain à cinq ans et huit mois de prison. Le juge lui a accordé un sursis de deux ans et dix mois en sus du temps de sa peine de prison déjà purgé (depuis mai 2018), ce qui signifie que Loujain pourrait être libérée début 2021.Toutefois, Loujain sera soumise à une interdiction de voyager de cinq ans, assortie d’une période de probation de trois ans durant laquelle toute activité criminelle présumée entraînerait sa réincarcération.

Loujain AlHathloul est la lauréate du Prix PEN pour la liberté d'écrire de 2010 et du Prix Liberté (Normandie) de 2020. Elle a été nommée l'une des personnalités les plus influentes de l’année 2019 par Time Magazine et a été nominée pour le prix Nobel de la paix en 2019, 2020 et 2021.

Yu Wensheng (Chine)

Yu Wensheng, 54 ans, est un avocat et militant des droits humains originaire de Pékin. Il est détenu depuis 2018 pour avoir appelé de ses voeux Etat de droit, démocratie et réformes gouvernementales en Chine. Avant de s’engager dans son combat pour les droits humains, Yu Wensheng était avocat d'affaires. Il a abandonné une carrière florissante pour se consacrer à des affaires de violations des droits humains, ce qui l'a finalement amené à s'exprimer plus largement sur l'État de droit en Chine.

Au cours des dix dernières années, Yu Wensheng a travaillé sur plusieurs cas de violations des droits humains très médiatisés. L’affaire la plus célèbre qu’il ait défendue est celle de l’avocat des droits humains Wang Quanzhang, arrêté en 2015 lors d’une grande vague de répression des droits humains connue sous le nom de «répression 709». Yu Wensheng a décidé de prendre en charge l'affaire malgré les risques encourus. Il a non seulement accompli un travail juridique dans des affaires de droits humains, mais il a également plaidé publiquement en faveur de changements constitutionnels et d'une révision du système juridique, à savoir l'abolition de la peine de mort et l'introduction d'un système multipartite.

Yu Wensheng, l'un des militants chinois des droits humains les plus connus et les plus intrépides, a été soumis aux formes les plus graves de répression par l'État chinois, notamment la détention arbitraire, une condamnation au cours d'un procès à huis clos et la radiation du barreau. Selon son épouse, il est actuellement détenu en cellule d’isolement, on lui a refusé l’accès à des soins médicaux et on lui a fait subir des mauvais traitements à la suite desquels sa main droite a été gravement endommagée. En décembre 2020, une cour supérieure régionale chinoise a confirmé la peine de quatre ans de prison prononcée contre lui. Depuis, on ignore où il se trouve.

Contact

Anne Bonvin Bonfanti

Département des finances, de l'environnement et du logement

Conseillère de direction

Contact médias

5, rue de l'Hôtel-de-Ville

1204

Genève

Suisse

Tél. +41 22 418 22 43

Courriel

Télécharger la vCard

Article modifié le 17.08.2023 à 10:39