L'évangile de Judas a-t-il réellement existé et est-il vrai qu'i indique que c'est Jésus qui a demandé à Judas de le trahir ?

Bonjour,

Nous vous remercions d'avoir fait appel au service Interroge, voici le résultat de nos recherches :

A votre question portant sur l'existence de l'Évangile de Judas, voici ce que l'on apprend dans l'article L'Evangile de Judas exposé à Genève, paru le 10 avril 2006 dans le journal Le Temps :

« […] ce texte, vraisemblablement rédigé au milieu du IIe siècle, a été officiellement présenté à la Fondation Martin Bodmer, située à Cologny dans le canton de Genève. Plusieurs spécialistes, dont le professeur de coptologie Rodolphe Kasser, traducteur de l'Évangile de Judas, ont commenté cet écrit apocryphe qui est arrivé jusqu'à nous grâce à une copie copte datant du IIIe ou IVe siècle, découverte en Egypte dans les années 1970. […]
La page 56 est l'une des plus importantes de l'Évangile de Judas. Elle contient en effet un des passages clé du manuscrit, celui dans lequel on voit Jésus inviter l'Iscariote à le livrer : "Tu les surpasseras tous. Tu sacrifieras l'homme qui m'a revêtu." L'Évangile de Judas, combattu par les Pères de l'Eglise, révèle un Judas très différent du traître présenté par les évangiles canoniques. L'Iscariote y apparaît comme le disciple préféré de Jésus et le seul apte à comprendre son enseignement. En livrant Jésus aux autorités romaines afin qu'il soit mis à mort, Judas l'aide à se débarrasser de sa prison charnelle, une idée chère aux gnostiques. La page 35 révèle aussi des aspects de la pensée gnostique. Dans un passage, Judas dit à Jésus: "Je sais qui tu es et de quel lieu tu es sorti. Tu es sorti de l'éon immortel de Barbelo et celui qui t'a envoyé est Celui dont je ne suis pas digne de proférer le nom." »

Cet article mentionne deux ouvrages de référence en anglais sur le sujet publiés en 2006 et dont vous trouverez les versions traduites en français dans les bibliothèques genevoises :

- L'Evangile de Judas : du Codex Tchacos édité sous la direction de Rodolphe Kasser, Marvin Meyer et Gregor Wurst
- L'Evangile perdu : l'incroyable découverte de l'Evangile de Judas de Herbert Krosney

Il existe par ailleurs un autre texte de Rodolphe Kasser qui pourrait vous intéresser et disponible en ligne L’Évangile de Judas, damné, perdu, retrouvé, mais très maltraité. Il s'agit d'une communication de M. Kasser publiée en 2006 dans les Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres au sujet de la découverte de l'Évangile de Judas.

L’article La présentation de l'Évangile de Judas au grand public et son contexte historique de Riemer Roukema et Pascale Renaud-Grosbras, paru dans Études théologiques et religieuses en 2012, soit six ans après la présentation de l'Évangile de Judas au grand public, apporte des compléments intéressants au sujet des textes ci-dessus et des articles parus sur le sujet dans la presse :

« Lorsque l’Évangile de Judas (EvJud) a été présenté au monde en avril 2006 sur le site de la National Geographic Society dans une version copte provisoire et une première traduction en anglais, les premiers commentaires consacrés à cet apocryphe furent remarquablement ambigus. D’une part, les spécialistes reconnurent immédiatement un texte gnostique comparable aux écrits trouvés à Nag Hammadi et estimèrent qu’il pouvait bien s’agir de l’Évangile de Judas mentionné par Irénée. Plus précisément, le lien présumé entre ce texte et les textes séthiens fut rapidement établi. Ces raisons permirent de dater le texte du début ou du milieu du IIe siècle. D’autre part, toutefois, il a été suggéré par certains que ce document contenait des traditions historiques fiables quant à la trahison supposée de Judas et à la mort de Jésus et que, via cet Évangile, ce que nous savons de ces personnages historiques devrait être profondément remis en question. Cette suggestion fut largement relayée par des journalistes qui n’étaient pas spécialistes du christianisme ancien, mais leurs articles s’inspiraient de travaux de spécialistes qui, eux, avaient une meilleure connaissance du contexte historique de ce document. Certaines publications savantes étaient, de même, très ambiguës.
Il est frappant cependant de constater qu’après 2006, les savants cessèrent d’affirmer que cet Évangile pourrait nous apprendre des choses sur le Judas historique et sur Jésus. Pourtant, l’impression initiale laissée au grand public fut bien que l’EvJud nous donne une description de la relation entre Judas et Jésus qui serait plus précieuse et plus juste que ce que nous disent les Évangiles canoniques. Dans le présent article, je souhaite retracer la présentation initiale de l’EvJud au monde et examiner le présupposé herméneutique qui se fait jour dans certaines sources d’information sur cet Évangile. »

Nous vous recommandons la lecture complète de cet article qui revient sur le débat autour de l'Évangile de Judas et vous renvoyons également vers les nombreuses sources documentaires qui y sont citées.

Les auteurs mentionnent notamment le professeur Johannes (Hans) van Oort qui « aborde avec prudence la question de savoir si cet Évangile dit quelque chose du Judas historique, et écrit que c’est une question compliquée qui nécessite des débats approfondis. Il dit que les chrétiens qui ont produit cet Évangile ont bousculé beaucoup de représentations, et que l’EvJud est une addition unique à notre connaissance d’un important mouvement du christianisme primitif. Mais il dit également qu’une partie des traditions propres à l’EvJud est peut-être issue de la plus ancienne Église de Jérusalem. »

Enfin, vous pouvez également écouter cette courte interview du professeur Rodolphe Kasser, diffusée sur la Radio télévision suisse (RTS) dans le cadre du téléjournal du 8 avril 2006 et qui revient sur l'interprétation de ce texte par les gnostiques.

Vous le verrez, au vu des divergences d'interprétations et des analyses de ce texte par des spécialistes, il ne semble pas y avoir de réponse péremptoire à la question de la trahison ou non de Judas.

Nous espérons que ces éléments vous aideront dans votre recherche. N'hésitez pas à nous recontacter pour tout complément d'information ou toute autre question.

Cordialement,

www.interroge.ch

Service de référence en ligne des bibliothèques de la Ville de Genève