Stratégie municipale LGBTIQ+ 2030

Le 22 juillet 2020, le Conseil administratif adoptait la nouvelle stratégie qui soutient la politique de la Ville de Genève en termes de lutte contre les discriminations en lien avec l'orientation sexuelle et affective et l'identité et l'expression de genre et de soutien aux personnes LGBTIQ+. Cette stratégie, déclinée en 7 axes principaux et 23 objectifs prioritaires, encadre les actions en cours et à venir, à l'externe comme à l'interne de l'administration municipale, jusqu'en 2030 et renforce leur coordination et leur monitoring.

 La Ville de Genève fait figure de pionnière en Suisse, puisqu’elle s'engage activement depuis le début des années 2000 contre les discriminations en lien avec l'orientation sexuelle et affective et l'identité et l'expression de genre (OSAIEG) et pour un meilleur accueil des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, intersexes ou appartenant à d'autres minorités sexuelles et de genre (LGBTIQ+).

En 2012, grâce à la mobilisation des milieux associatifs, la Ville a intensifié sa politique et s’est dotée d’un poste spécifiquement dédié aux questions LGBTIQ+. Ce poste a permis d’améliorer le lien de l’institution municipale avec les associations, de développer des projets de sensibilisation auprès de la population de la deuxième ville de Suisse, mais aussi d’aider à la mise en place d’actions concrètes à destination des plus de 4’000 collaborateurs et collaboratrices de l’administration municipale.

Depuis 2012 et l’élaboration d’un premier plan d’action, la politique de lutte contre les discriminations en lien avec l’OSAIEG s’est organisée progressivement. En 2015, la feuille de route du Conseil administratif pouvait ainsi annoncer que «La Ville […] met en oeuvre une politique de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et de lutte contre le sexisme et les stéréotypes de genre, l’homophobie et la transphobie».

Les nombreuses actions de sensibilisation, notamment les campagnes annuelles menées depuis 2013, assurent une visibilité importante des engagements de la Ville et initient, stimulent et fédèrent les dynamiques. La Ville joue pleinement son rôle de soutien et d’accompagnement des projets associatifs et des initiatives citoyennes dans des domaines aussi variés que, par exemple, l’accueil des jeunes en rupture, le soutien aux seniors, la création d’un climat de travail inclusif, l’accompagnement des personnes en recherche d’asile ou des personnes transgenres.

Dès 2012, la Ville de Genève se rapprochait du réseau international naissant des Rainbow Cities, un regroupement de villes ayant mis en place des politiques publiques actives de lutte contre l’homophobie et la transphobie. A l’heure actuelle, ce réseau, organisé en association depuis 2018, fédère plus d’une trentaine de villes en Europe et dans le monde. A la suite de Genève, les villes de Zurich (2013), Berne (2018) et Lausanne (2021) ont rejoint le réseau, faisant de la Suisse l’un des pays les plus représentés au sein du Rainbow Cities Network. La Ville de Genève siège aujourd’hui au comité directeur du réseau.

La Ville de Genève agit activement auprès de la Conférence suisse des délégué-e-s à l’égalité (CSDE) et auprès de l’Union des villes suisses (UVS) pour un engagement national et intercantonal sur ces questions. Elle s’exprime régulièrement sur les objets y relatifs dans le cadre des consultations fédérales.

En complément de son soutien affirmé aux mécanismes et organisations internationales actives auprès du Conseil des droits de l’homme, la Ville de Genève devenait en 2017 membre associé de l’ILGA, la fédération internationale LGBTIQ+, et, en 2020, celui de Egides, Alliance internationale francophone pour l'égalité et les diversités, ancrant un peu plus son engagement dans la lutte contre les discriminations au niveau global. Elle participe régulièrement aux consultations mises en place dans le cadre du mandat de l’Expert Indépendant de l’ONU sur l’OSAIEG.

En 2020, le service Agenda 21 - Ville durable a proposé au nouveau Conseil administratif de dresser le bilan des actions menées depuis 2012 et de définir les grandes lignes de sa politique pour les 10 années à venir. Adoptée le 22 juillet 2020, la Stratégie municipale LGBTIQ+ 2030 se décline en 7 axes principaux et 23 objectifs prioritaires permettant de couvrir de manière exhaustive et durable les enjeux locaux en la matière. Chaque action déjà mise en place ou encore à entreprendre peut rejoindre l’un ou plusieurs de ces axes. Le renforcement et la systématisation du monitoring et du reporting permettront une amélioration de la coordination, du suivi et du pilotage de cette politique transversale.

Élément de l'accordéon

L’un des principaux défis auxquels les autorités doivent faire face est d’assurer un meilleur respect des droits et un meilleur soutien aux personnes victimes de violences et discriminations. Cela passe par la promotion des politiques de sécurité qui intègrent la perspective de la diversité sexuelle et de genre, considérant que la notion même de sécurité est, comme les autres domaines, pétrie d’hétérocentrisme. Ces politiques de sécurité doivent promouvoir la dignité, l'égalité de traitement des personnes LGBTIQ+, ainsi que prévenir et éradiquer tous les comportements LGBTIQ-phobes.

Le manque de statistiques rend non seulement la lutte contre les LGBTIQ-phobies plus difficile, mais empêche d’appréhender avec exactitude l’ampleur du problème, ainsi que les spécificités des violences et discriminations qui touchent les populations LGBTIQ+. Une difficulté supplémentaire est que beaucoup de victimes ont tendance à ne pas signaler de tels incidents. Plusieurs raisons ont été identifiées pour expliquer cela, comme la peur de la stigmatisation, le manque de soutien de la famille ou de l’entourage, la fréquence et donc la banalisation et la minimisation de la portée des comportements discriminatoires, la complexité, la longueur et la cherté des procédures de signalement et de réparation, enfin la méfiance que certaines personnes ressentent envers la police, qui pâtit encore d’une image négative héritée des politiques répressives d’autrefois.

La violence envers les personnes LGBTIQ+ ne s'exprime pas de la même manière selon les groupes. Plusieurs études européennes ont montré que le type le plus commun d'agression est les attaques verbales, principalement en public et ciblées sur les jeunes. En contraste, les femmes lesbiennes et les bisexuelles sont plus à risque de subir des voies de fait et du harcèlement sexuel dans des espaces privés. Les personnes transgenres et non-binaires sont également particulièrement exposées à des violences physiques graves.

La violence en ligne contre les personnes LGBTIQ+ a des conséquences bien réelles et nécessite une approche spécifique. Les jeunes LGBTIQ+ sont également les premières victimes de la violence contre soi-même et le taux de suicide est fortement plus élevé dans cette population.

Parmi ces violences, celles qui touchent la sphère domestique, et particulièrement les jeunes, sont à considérer avec une attention particulière. Les structures et dispositifs qui viennent en aide aux jeunes en rupture familiale et/ou scolaire doivent être soutenus et accompagnés (voir aussi axe 2).

Enfin, les procédures doivent être repensées pour lutter plus efficacement contre la violence et les abus au sein des relations sexuelles et affectives entre personnes de même sexe, une problématique largement taboue, encore peu étudiée, qui pâtit d'un manque de recherche suffisante, de données statistiques et de ressources appropriées et adaptées pour agir efficacement.

Ce travail doit s’effectuer en complémentarité avec les institutions, notamment cantonales, œuvrant dans le domaine des violences, telles que la Police, les services d’urgence, le Bureau de promotion de l'égalité et de prévention des violences (BPEV), le Centre LAVI, etc.

  • Objectif 1.1 : Diminuer les actes de violence
  • Objectif 1.2 : Améliorer la prise en charge et le suivi des victimes
  • Objectif 1.3 : Mieux faire connaître les violences et discriminations spécifiques à l’encontre des personnes LGBTIQ+, auprès des professionnel-le-s et du grand public
  • Objectif 1.4 : Promouvoir la recherche, améliorer le monitoring

Les discriminations, la violence, le rejet qui touchent les personnes LGBTIQ+ ont des conséquences plus importantes encore quand elles affectent des groupes particulièrement vulnérables comme les femmes, les jeunes, les personnes âgées, les personnes en situation de migration ou d’asile, les personnes transgenres et non-binaires, les personnes exclusivement allophones, les personnes en situation de handicap, les personnes isolées ou précarisées (d’un point de vue juridique, social et/ou économique), etc. Bien que de mieux en mieux documentée, la connaissance de ces réalités reste encore largement lacunaire. Une approche intersectionnelle, c’est-à-dire prenant en considération l’interaction entre différentes discriminations, est primordiale pour mieux saisir leur nature et développer des outils adaptés. En effet, les actions généralistes ne tiennent pas compte de l’inégalité de distribution des ressources et de l’échelle des privilèges qui s’appliquent également au sein des populations LGBTIQ+.

Les femmes lesbiennes cumulent les discriminations. La prévalence, dans la société en général, de préjugés et d’attitudes sexistes et homophobes engendre un climat de violence qui les met spécifiquement en danger, aussi bien sur leur lieu de travail qu’au domicile, ainsi que dans l’espace public, particulièrement hostile. Leurs préférences sexuelles ou affectives sont régulièrement dénigrées, moquées voire érotisées par certains hommes. Elles sont parfois contraintes par leur entourage au mariage ou à d’autres relations sexuelles avec des hommes, parfois qualifiées de « viols correctifs ». Leur santé, particulièrement leur santé sexuelle, est moins bonne que celle des femmes hétérosexuelles, principalement parce qu’elle reste méconnue, voire ignorée par le milieu médical. Cette double discrimination spécifique, regroupée sous le
terme de lesbophobie, est particulièrement invisible, souvent oubliée des études et des politiques publiques consacrées à la lutte contre le sexisme, d’une part, et à l’homophobie, d’autre part. Pour garantir la sécurité des femmes dans un contexte lesbophobe, certaines associations proposent des espaces ou des activités non mixtes (ou selon le terme actuel, en « mixité choisie », c’est à dire interdites aux hommes cisgenres). Le soutien à ces activités, s'il peut représenter un défi pour les institutions et les politiques publiques à la culture traditionnellement universaliste, n'en reste pas moins nécessaire.

Les jeunes sont une population particulièrement à risque. De nombreuses études montrent qu’elles et ils sont plus en danger de rupture familiale et/ou scolaire, tandis que le suicide est la première cause de mortalité dans cette population. La plupart des jeunes LGBTIQ+ grandissent et se révèlent dans une famille et un environnement hétérosexuels et cisgenres. Le soutien familial n’est donc pas garanti. Le déni, l’incompréhension, voire la violence et le rejet restent fréquents. Le manque de références positives affecte l’estime de soi et le développement harmonieux des jeunes LGBTIQ+. Les attitudes discriminatoires par les professionnel-le-s de la santé et les restrictions à
l’accès à l’information créent aussi des obstacles à l’accès des enfants et des jeunes personnes LGBTIQ+ à des services de santé adaptés et sécurisés. Un accompagnement adapté, couplé à une approche de médiation familiale, est nécessaire, en lien et en complément du suivi scolaire, mais également dans tous les espaces fréquentés par les jeunes (parascolaire, activités sportives, lieux de socialisation, etc.).

Les personnes âgées LGBTIQ+ cumulent les fragilités. Par peur d’être rejetées et discriminées comme elles l’ont souvent été au cours de leur vie, elles restent largement invisibles. La perte d'autonomie due à la vieillesse, dans un environnement social encore très cishétéronormé, les oblige souvent à un retour, parfois brutal, dans "le placard". Or les seniors LGBTIQ+, du fait même des différentes formes de discrimination vécues, représentent une population avec des vulnérabilités spécifiques. Elles et ils ont un risque accru d’isolement et de solitude (soutien familial plus limité, liens distendus ou rompus avec la famille biologique, personnes plus fréquemment célibataires, souvent sans enfant) qui a, à moyen et long terme, un impact sur la santé (risques plus élevés de dépression, suicide, dépendances, etc.), aggravé par une plus grande méfiance envers le corps médical.

Les personnes transgenres et non-binaires font face à davantage de préjugés, d’exclusion, de discriminations, de violences et de harcèlement que les personnes LGB. Elles subissent également davantage de discriminations dans le milieu médical et dans le milieu professionnel. Un quart d’entre elles perdent leur emploi au cours de leur transition. Globalement, les personnes transgenres sont confrontées à un niveau de sous-employabilité et de précarité plus important. Les personnes non-binaires souffrent particulièrement dans une société qui reste bicatégorisée et pétrie de stéréotypes de genre.

A Genève, ville cosmopolite, de nombreuses personnes ne parlent pas le français. Ces populations exclusivement allophones ne sont pas touchées par les communications et campagnes grand public et ne participent pas aux événements de sensibilisation en français. Les personnes LGBTIQ+ qui en sont issues peuvent se trouver d’autant plus isolées qu’elles ou leur entourage n’ont pas accès aux informations et aux ressources qui ne sont pas disponibles dans leur langue. Les personnes LGBTIQ+ migrantes ou en situation d’asile sont particulièrement vulnérables en ce sens qu’elles doivent faire face à la fois à la xénophobie, à la précarité et aux LGBTIQphobies. Bien que n’étant pas spécifiquement en charge de la politique d’asile en Suisse, les autorités municipales doivent œuvrer, dans la mesure de leurs moyens et de leurs prérogatives, à la sécurité et à la prise en charge spécifique de ces populations sur leur territoire, par exemple en soutenant et accompagnant les initiatives associatives et en sensibilisant le personnel des structures sociales dont elles ont la charge.

Un important travail reste à faire en ce qui concerne l’accessibilité des personnes LGBTIQ+ en situation de handicap aux prestations municipales et aux ressources associatives, ainsi qu’aux événements de sensibilisation. Peu de lieux d'accueil pour les personnes LGBTIQ+ sont par exemple accessibles aux personnes à mobilité réduite à Genève.

Ces différents groupes vulnérables, listés ici de manière non-exhaustive, ne sont pas hermétiques. Par exemple, une femme peut être transgenre, lesbienne, racisée, précarisée, etc. Ces identités et les discriminations associées se croisent et s’additionnent. Elles appellent des prises en charge à la fois spécifiques, mais également complémentaires et concertées. La Ville de Genève doit veiller à continuer à identifier les vulnérabilités propres à ces groupes au sein des communautés LGBTIQ+, tout en gardant une base d’analyse intersectionnelle. Elle doit initier, soutenir et encourager le développement d’actions spécifiques à destination de ces populations, y compris au sein de programmes généraux.

  • Objectif 2.1 : Mieux identifier, documenter et faire connaître les vulnérabilités et besoins spécifiques de certains groupes au sein des populations LGBTIQ+
  • Objectif 2.2 : Améliorer l’accès aux ressources et la participation de ces groupes
  • Objectif 2.3 : Soutenir des projets spécifiques à ces groupes

Il en va de l’homophobie, de la transphobie et des autres discriminations en lien avec le genre et la sexualité comme du racisme : l’ignorance, la méconnaissance de l’autre, favorisent la peur et constituent le terreau privilégié à partir duquel peuvent se développer la stigmatisation, la mise à l’écart et la discrimination.

Des idées fausses mais tenaces, bien que de moins en moins répandues, autour des minorités sexuelles et de genre justifient et limitent à la fois la sensibilisation aux discriminations. Beaucoup considèrent encore que l'homosexualité ou l’identité de genre sont de l’ordre du privé, qu’elles ne concernent pas la collectivité et donc les pouvoirs publics, mais aussi que l’homosexualité, la dysphorie de genre ou l'intersexuation ne concernent qu’un nombre très restreint de personnes et pas certaines tranches d’âge ou certaines populations. Ces barrières invisibles compliquent la communication des collectivités publiques auprès du grand public, comme envers des publics spécifiques. Le tabou lié à la sexualité et au corps, complique encore un peu plus les choses.

Dans ce contexte, le choix des termes et des messages doit être particulièrement soigné. Toute sensibilisation doit se faire en concertation étroite avec les communautés concernées, qui ont à la fois l’expertise des termes sémantiques qui définissent leurs identités et l’expérience de la perception, positive ou négative, de ces identités par le grand public. Les associations LGBTIQ+ doivent participer à l’élaboration des messages dans une démarche collaborative.

La Ville de Genève oeuvre depuis de nombreuses années pour informer, sensibiliser et former, notamment les professionnel-le-s, aux enjeux en lien avec l’OSAIEG. Elle soutient des projets associatifs et initie ses propres projets en la matière. Elle a mis en place une campagne annuelle de sensibilisation du grand public autour de la Journée internationale contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie du 17 mai. Abordant chaque année un thème différent, cette campagne permet, au moyen d’un affichage public, de conférences, de table-rondes, d’ateliers et d’actions de sensibilisation générale ou spécifique, de valoriser le travail des associations.

Ces nombreuses actions de sensibilisation assurent une visibilité importante des engagements de la Ville et initient, stimulent et fédèrent les dynamiques, tant associatives qu’institutionnelles. Toutefois, malgré des progrès certains, de nombreuses croyances et préjugés envers les personnes LGBTIQ+ demeurent très ancrées. Les efforts entrepris doivent donc être poursuivis, intensifiés et systématisés, y compris en visibilisant les personnes et les problématiques LGBTIQ+ dans les communications généralistes. Par exemple, en représentant une famille arc-en-ciel dans une brochure sur les prestations municipales en lien avec l’état civil ou les prestations de la petite
enfance.

  • Objectif 3.1 : Informer
  • Objectif 3.2 : Sensibiliser le grand public
  • Objectif 3.3 : Former les professionnel-le-s
     

Cet axe fait référence à trois éléments étroitement interconnectés. Le premier de ces facteurs est la culture, qui peut être un puissant vecteur de transformation des valeurs d'une société en faveur de l'égalité et de la non-discrimination ou, au contraire, peut renforcer l’invisibilité, les stéréotypes et les préjugés envers les personnes LGBTIQ+. Les productions artistiques, littéraires ou audiovisuelles de masse (à destination du grand public) ont généralement tendance à masquer les identités LGBTIQ+ de leurs personnages ou à les caricaturer. Elles renforcent ainsi l’invisibilité de la culture propre des communautés LGBTIQ+ ou leur mauvaise compréhension, et constituent un frein à leur reconnaissance et donc à leur intégration.

Dans ce contexte, les autorités publiques doivent soutenir activement les initiatives culturelles développées par les personnes LGBTIQ+ et s’assurer de promouvoir une gamme inclusive d'offres culturelles qui permettent d’élargir la représentation sociale de la diversité sexuelle et de genre et la reconnaissance, la valorisation et le sentiment d’appartenance de ces communautés.

Le deuxième élément est la visibilité, qui est nécessaire dans un espace public majoritairement hétéro-cis-sexiste (ou, du moins, hétéro-cis-centré) dans lequel la diversité sexuelle et de genre n’est pas prise en compte. Contrairement à d’autres groupes marginalisés, les personnes LGBTIQ+ naissent généralement dans des familles et des communautés où elles sont perçues et se perçoivent elles-mêmes comme différentes. La découverte, l’acceptation intime, puis l’annonce volontaire de leur orientation sexuelle ou de leur dysphorie de genre est généralement un lent processus, parfois douloureux. Dans un environnement non-valorisant, voire hostile, la quête d’un sentiment d’appartenance et de communauté est une démarche souvent solitaire et autonome.

C’est dans ce cadre que les commémorations comme la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie du 17 mai ou la Journée internationale du coming-out du 11 octobre jouent un rôle important. Marquer ces dates par des actions symboliques (comme le fait la Ville en pavoisant le Palais Eynard et le Pont du Mont-Blanc et en colorant le Jet d'eau aux couleurs arc-en-ciel), ainsi que tenir compte de la diversité sexuelle et de genre dans les événements publics mis en place et soutenus par la Ville (fêtes du 1er août et du 31 décembre, par exemple), permettent de rappeler l’engagement de l'institution et de valoriser la diversité de la population.

Le dernier élément est le travail sur la mémoire et l’histoire. Il permet de rappeler au grand public que les communautés LGBTIQ+ ne sont pas une « nouveauté » récente ou une « importation » étrangère, notamment anglo-saxonne, mais, au contraire, qu’elles ont toujours existé localement. Ce travail de mémoire est essentiel pour comprendre le présent et rendre justice aux personnes qui ont contribué à la construction d’une ville plus libre et plus diversifiée.

Les personnes LGBTIQ+ n’ont que peu d’occasions d’étudier leur patrimoine, leur identité et leur histoire, qui ne sont que rarement inclus dans les programmes scolaires et peu visibles dans le récit national. Valoriser leur place dans l’histoire permet d'améliorer leur sentiment d'appartenance à la collectivité, leur bien-être et leur intégration sociale. Dans son essai de 1995, l’auteure irlandaise Emma Donoghue écrit : «L’histoire [des personnes LGBTIQ+] n’est pas un luxe artistique […]. La connaissance de notre passé nous apporte la confiance, la sagesse, la capacité à rire de nos ennemis et de nous-mêmes.»

Dans ce contexte, les villes ont un rôle important à jouer pour faire connaître l’histoire et la culture des communautés LGBTIQ+, en faisant comprendre l’importance de leurs contributions dans leurs contextes propres. Les initiatives entreprises par la Ville en 2019 avec le programme «Mémoires LGBTIQ+» doivent être poursuivies et développées pour permettre aux communautés LGBTIQ+ de préserver durablement et valoriser collectivement leur patrimoine archivistique et mémoriel et le faire connaître au grand public.

  • Objectif 4.1 : Soutenir les projets culturels développés par les communautés LGBTIQ
  • Objectif 4.2 : Initier et promouvoir les événements de visibilité, accueillir les marches des fiertés
  • Objectif 4.3 : Défendre la mémoire et les apports des communautés LGBTIQ+ à l’histoire commune

Dans son rapport 2012, le Service de lutte contre le racisme de la Confédération rappelle que « l’application systématique du principe qui veut que ‘Nous traitons tout le monde de la même manière’ empêche de tenir correctement compte de la diversité des besoins. […] Ainsi, il n’est pas suffisant de garantir un accès uniforme aux prestations publiques et il faut plutôt se soucier que tous les ayants droit aient réellement accès à ces prestations ».

La politique municipale de la Diversité mise en place par la Ville de Genève depuis 2014 travaille ainsi la question de l’accessibilité aux prestations publiques municipales. Par souci d’équité, elle atténue les obstacles (administratifs, linguistiques, notamment) que peuvent rencontrer ses résident-e-s. De la même manière, le plan de mesures pour améliorer l’accessibilité de ses services aux personnes en situation de handicap lancé par le Conseil administratif en 2019, donne pour objectif l’accessibilité universelle aux prestations municipales.

Sur le même principe, malgré une volonté d’égalité de traitement, un certain nombre de freins empêchent l’accès des personnes LGBTIQ+ aux prestations municipales. L’invisibilité des personnes LGBTIQ+ constitue un obstacle supplémentaire pour accéder aux prestations et aux ressources auxquelles elles ont droit. Enfin, l’habitude de se voir nier leurs droits ou la méconnaissance des progrès en termes d’égalité, encore largement perfectibles, découragent souvent les personnes LGBTIQ+ dans leurs démarches ou avant même de les entreprendre.

Ces freins doivent être identifiés, analysés et levés afin de garantir un accueil véritablement non-discriminant et inclusif des personnes LGBTIQ+. Ce travail ne peut se faire qu’à travers une étroite participation des services en charge des prestations municipales, notamment dans les domaines du sport, de la petite enfance ou des services sociaux.

La généralisation de l’utilisation d’une communication inclusive pour la promotion des prestations municipales est nécessaire pour progressivement faire connaître l’accessibilité de ces prestations aux personnes LGBTIQ+ et la prise en compte de leurs besoins spécifiques. Dans cette perspective, chaque occasion doit être saisie pour faire référence à l’identité et à la réalité sociale des personnes LGBTIQ+ dans les communications publiques, les campagnes de promotion, sur Internet ou les réseaux sociaux.

  • Objectif 5.1 : Identifier et supprimer les freins à un accès équitable des populations LGBTIQ+ aux prestations municipales
  • Objectif 5.2 : Garantir un accueil non-discriminant et bienveillant des personnes LGBTIQ+
  • Objectif 5.3 : Généraliser l’utilisation d’une communication inclusive

Alors qu’une part importante du temps journalier est dévolue au travail et que les frontières entre vie privée et vie professionnelle n’ont jamais été aussi perméables, devoir taire qui l’on est sur son lieu de travail ou devoir faire face à des mises à l'écart, des brimades ou des moqueries de la part de ses collègues ou de ses supérieur-e-s est source de stress, de mal-être, de baisse de motivation et peut conduire à des maladies professionnelles.

Selon une étude commandée par la Fédération genevoise des associations LGBT, 53% des collaborateurs et collaboratrices LGBTIQ+ cachent qui elles et ils sont sur leur lieu de travail, 35% se sentent contraint-e-s de mentir sur leur vie privée. A contrario, 88% des personnes LGBTIQ+ qui travaillent dans un environnement inclusif se déclarent prêtes à en faire plus pour leur entreprise, tandis que 35% affirment que leur productivité s’est améliorée après leur coming-out.

En tant que deuxième ville de Suisse et deuxième employeur du canton, la Ville de Genève a des responsabilités envers ses plus de 4'000 collaborateurs et collaboratrices. Elle doit garantir, non seulement le respect des personnes, mais également un climat de travail inclusif pour tous et toutes, indépendamment, notamment, de l’OSAIEG.

La Ville de Genève a entrepris en 2014 une évaluation de ses textes normatifs pour vérifier qu’ils n’étaient pas discriminants envers les collaborateurs et collaboratrices LGBTIQ+. Si le rapport a confirmé que la Ville de Genève n’était pas discriminante au sens légal du terme, il a également relevé qu’elle pourrait être davantage proactive dans sa politique RH.

En octobre 2014, le Conseil administratif décidait la diffusion à l’interne de la campagne «Et si moi aussi ?» qui rappelait qu’être soi au travail ne va pas forcément de soi pour les personnes LGBTIQ+ et que favoriser un environnement professionnel respectueux et accueillant pour tous et toutes est un devoir de la Ville en tant qu’employeur.

Des sensibilisations depuis 2013 et, depuis 2018, des formations inscrites au catalogue permettent aux collaborateurs et collaboratrices de la Ville de découvrir les situations auxquelles les personnes LGBTIQ+ sont confrontées dans le cadre du travail, d’expérimenter des outils pour favoriser un climat inclusif pour tous et toutes et à mieux connaître les ressources d’aide à disposition au sein de l’administration municipale et en dehors.

La Ville doit continuer à signifier son engagement par le biais de l’affichage dans les services, des publications internes et des documents de référence ainsi que sur son site Intranet. Elle doit renforcer et systématiser sa communication interne.

Par ailleurs, le rapport de 2014 préconisait l’accompagnement à la mise en place d’un groupe d’employé-e-s LGBTIQ+ au sein de la Ville de Genève. Un tel groupe existe depuis 2017 et s’est constitué en association en octobre 2019. La Ville doit renforcer sa collaboration avec ce nouveau partenaire interne, dans la perspective d’une meilleure connaissance des réalités de terrain, une meilleure participation du personnel dans l’élaboration des politiques internes et leur implémentation dans les services.

  • Objectif 6.1 : Mettre à jour les textes normatifs
  • Objectif 6.2 : Former le personnel, notamment RH et cadres
  • Objectif 6.3 : Améliorer la prise en charge des cas de discrimination
  • Objectif 6.4 : Soutenir le groupe d’employé-e-s LGBTIQ+ et allié-e-s

Les villes ont un rôle déterminant à jouer dans la collaboration internationale. Genève, ville de paix et siège du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, à une responsabilité particulière en la matière. Alors que plus de 70 états à travers le monde considèrent toujours l’homosexualité comme illégale et que dans 8 pays ou régions, les relations homosexuelles entre adultes consentant-e-s sont punies de mort, la Ville de Genève se doit de s’engager dans la lutte pour le respect universel des droits fondamentaux des personnes LGBTIQ+.

En tant que ville à la fois suisse, européenne, francophone et internationale, Genève se situe au carrefour de plusieurs cultures et réseaux. Elle accueille de nombreuses organisations internationales œuvrant pour le respect des droits fondamentaux des personnes LGBTIQ+. La Ville de Genève soutient leurs actions et est membre associé de ILGA World, Association Internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes, et d’Egides, Alliance internationale francophone pour l'égalité et les diversités. Elle participe régulièrement aux consultations menées notamment par l’Expert indépendant des Nations Unies sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.

A travers le Prix Martin Ennals, elle soutient, entre autres, les militant-e-s des droits humains des personnes LGBTIQ+ et visibilise leurs actions. Elle encourage la participation des activistes LGBTIQ+ aux mécanismes de plaidoyer auprès des Nations Unies, notamment dans le cadre de l’Examen Périodique Universel (EPU).

La Ville de Genève est proche des 0.7 % du budget à consacrer à la coopération, fixés par la législation cantonale, à travers le programme mené par la Délégation Genève Ville Solidaire (DGVS). Parmi les projets soutenus, plusieurs concernent les droits des personnes LGBTIQ+, comme ceux d’Avocats sans frontière Suisse, de la Commission internationale des juristes ou du Service international pour les droits humains (SIDH-ISHR).

La Ville de Genève contribue à ou favorise l’organisation de conférences et d’événements internationaux sur les questions LGBTIQ+ à Genève et encourage le dialogue entre associations locales et organisations internationales. Elle promeut la visibilité des enjeux et thématiques LGBTIQ+ au sein du Festival International et Forum sur les Droits Humains (FIFDH) et d’autres événements culturels en lien avec les droits humains à Genève (voir aussi axe 4). Elle associe régulièrement les autorités locales et les représentant-e-s des organisations et instances internationales à ses événements, comme, par exemple, la cérémonie annuelle à la mémoire de Bartholomé Tecia et en hommage aux victimes des LGBTIQ-phobies dans le monde.

La motion M-949 demandait à la Ville de prendre la tête d’une coalition des villes contre l’homophobie et la transphobie. En rejoignant le réseau des Rainbow Cities dès sa mise en place, elle y a affirmé son leadership et est aujourd’hui membre de son comité directeur. Participer au Rainbow Cities Network permet non seulement l’échange de bonnes pratiques mais encourage aussi la solidarité entre villes, particulièrement avec les collectivités locales qui prennent le contrepied de certaines politiques nationales répressives envers les communautés LGBTIQ+.

Les actions de la Ville à l’international contribuent au rayonnement de Genève, ville des droits humains, et son positionnement dans le leadership de la promotion des droits humains des personnes LGBTIQ+. Ce travail doit être soutenu et systématisé, notamment à travers les réseaux auxquels la Ville participe par ailleurs comme l’Association Internationale des Maires Francophones (AIMF) ou le Programme des Cités interculturelles du Conseil de l’Europe. Elle doit y encourager la mobilisation pour la défense des droits fondamentaux des personnes LGBTIQ+ et créer une véritable dynamique de l’engagement des villes et des collectivités locales sur ces questions, notamment dans l’espace francophone international.

  • Objectif 7.1 : Participer à des réseaux internationaux d’échange de bonnes pratiques
  • Objectif 7.2 : Soutenir la coopération et le plaidoyer LGBTIQ+ dans le monde
  • Objectif 7.3 : Contribuer au rayonnement international de la Ville sur les enjeux LGBTIQ+

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Mandicourt Guillaume

5, rue de l'Hôtel-de-Ville

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Article modifié le 21.08.2023 à 12:59