Interroge a répondu à la question "Pourquoi le quartier des Pâquis est celui qui abrite la prostitution à Genève ?"
La réponse a été mise à jour le 5 February 2021.
Bonjour,
Nous vous remercions d'avoir fait appel au service Interroge, voici le résultat de nos recherches :
Pour commencer, sachez que notre service a répondu à une question sur les maisons closes à Genève en février 2014 : « Existait-il des maisons closes à Genève dans les années 1950-60 ? Où trouver des informations sur la prostitution en Suisse dans ces années-là ? Et quels moyens de contraception utilisaient les prostituées suisses avant la pilule ? »
Genève, dispose d’une Loi sur la prostitution et d’un Règlement d’exécution de la loi sur la prostitution lequel définit la prostitution de rue.
Dans l’ouvrage collectif Marché du sexe en Suisse : état des connaissances, best practices et recommandations : Volet 2, cadre légal. Genève, on trouve le résumé des articles à ce sujet. L’ouvrage, également consultable en ligne indique ceci au sujet du règlement d'exécution :
« Ce règlement définit la prostitution de rue comme "le fait de se tenir, dans l’intention reconnaissable de se vouer à la prostitution, dans les rues, sur les voies, places, parkings publics et accessibles au public ou à la vue du public" (art. 2). Le règlement genevois ne définit pas de zone particulière pour l’exercice de la prostitution de rue, ni ne prononce d’interdiction dans des lieux déterminés ; cette forme de prostitution est uniquement interdite, selon le règlement, "dans les endroits où elle peut troubler l’ordre public" (art. 2). »
La Cour des comptes a produit en 2014 un Rapport d'évaluation de la politique publique en matière de prostitution consultable en ligne, où l’on peut lire en page 16 ce qui suit :
« Une première catégorie de TdS [travailleurs et travailleuses du sexe] exerce dans la rue. À Genève, la prostitution de rue se situe dans le quartier des Pâquis ainsi que le long du Boulevard Helvétique. Aux Pâquis, ces TdS attendent le client sur le trottoir avant de se diriger vers une chambre située dans le quartier. La plupart des TdS du Boulevard Helvétique travaillent dans des conditions encore plus difficiles puisqu’elles fournissent généralement leurs prestations dans la voiture du client. »
A la page 51 nous lisons encore : « Dans le quartier des Pâquis, la prostitution est pleinement tolérée. Très peu de doléances relatives à la prostitution ont été enregistrées par les autorités dans ce quartier. »
La présence de prostitution de rue, par définition particulièrement visible sur la voie publique aux Pâquis, notamment à la rue de Berne et dans les rues alentour, est donc avérée et elle n’est pas forcément très récente.
Nous avons consulté le livre de Sébastien Bourquin, Racoleuses et proxénètes : prostitution clandestine à Genève à la fin du XIXe siècle pour y trouver à quand remonte la présence de prostitution aux Pâquis. On trouve à la page 40 dans ce livre, une carte de la répartition géographique des lieux de prostitution à Genève en 1889 qui montre la dispersion de ces lieux, mais surtout une plus forte concentration dans le secteur des Rues Basses et de la Vieille Ville à cette époque. On y lit aux pages 41-42 :
« Cette répartition des maisons de tolérance, bien qu’observée à la fin du XIXe siècle, renvoie à la structure urbaine genevoise de 1850. A cette époque où la ville commençait tout juste à démanteler ses fortifications, les Rues Basses étaient des zones d’habitation populaires, rongées par l’insalubrité. […] Il faudra attendre la fin des années 1890 pour voir émerger des projets d’aménagement et de salubrité publique. Les maisons closes ne souffriront pas de ces mesures hygiéniques puisqu’elles continueront d’être tolérées au centre-ville jusqu’à la fermeture en 1925. Elles ne suivront pas non plus l’extension de la ville en déménageant dans les nouveaux quartiers [Pâquis, Eaux-Vives, Plainpalais], du moins pas avant 1895.
En revanche, la plupart des foyers de prostitution clandestine se sont rapidement déplacés vers la rive droite, et plus particulièrement vers le quartier des Pâquis, alors en extension. […]
Selon nous, le déplacement massif vers le quartier des Pâquis s’explique surtout par la proximité de la gare de Cornavin et des nombreux hôtels environnants, dont la plupart tolèrent la présence des clandestines. L’implantation des prostituées aux Pâquis, après leur exclusion des Rues Basses, serait donc en grande partie liée au développement d’une "prostitution de voyageurs", sans pour autant attester l’existence d’un tourisme sexuel à Genève.
En 1888, les racoleuses sont déjà présentes le long de la rue de l’Entrepôt, la future rue de Berne. Dans les années suivantes, plusieurs maisons de passe, pourtant solidement établies dans la vieille ville, migrent vers la rive droite et s’installent entre la rue du Temple et les Pâquis. »
Sébastien Bourquin cite encore l’ouvrage de Conrad André Beerli, Rues Basses et Molard publié en 1983, à la page 570, une citation que nous reprenons :
« La Basse Ville comme centre de la prostitution résiste longtemps, des maisons de passe subsistent à la rue Neuve [du-Molard] vers 1960. Mais déjà s’amorce la tendance à l’émigration des ex-filles du Molard vers d’autres terrains de chasse, vers les Pâquis surtout ; là, elles participent à la mission d’accueil d’un secteur de jour en jour plus hôtelier, entre la gare et le casino. »
Nous espérons que ces éléments vous aideront dans votre recherche. N'hésitez pas à nous recontacter pour tout complément d'information ou toute autre question.
Cordialement,
La Bibliothèque de Genève
Pour www.interroge.ch